
Il nous faut mener double vie dans nos vies, double sang dans nos coeurs, la joie avec la peine, le rire avec les ombres, deux chevaux dans le même attelage, chacun tirant de son côté, à folle allure. Ainsi allons-nous, cavaliers sur un chemin de neige, cherchant la bonne foulée, cherchant la pensée juste, et la beauté parfois nous brûle, comme une branche basse giflant notre visage, et la beauté parfois nous mord, comme un loup merveilleux sautant à la gorge.
La Folle Allure, Christian Bobin. Éditions Gallimard
Être folle, se contenter d’être folle

La Folle Allure est une philosophie de vie sur la liberté. Liberté d’être et d’aimer. Ce texte, léger en apparence, est composé comme une Fugue de Bach : les thèmes se superposent, se répondent, et les détails sont parsemés, rendant ainsi l’oeuvre de Christian Bobin riche de multiples compréhensions, propres à chacun. Adapter ce roman au théâtre, c’est réaliser une envie de poésie et de retour à l’imaginaire de l’enfance.

La force de Christian Bobin est de réussir à aborder des thèmes graves tout en maintenant une certaine exaltation de la vie. Comme l’enfant qui maintient sa vitalité coûte que coûte. La langue du texte, sa richesse poétique, sa force d’évocation et son humour ouvrent un vaste champs d’exploration sur l’oralité et l’incarnation, et placent le jeu d’actrice et sa conduite au coeur du processus de création
Fleure de Vanssay et Benjamin Guyot
J’écris à six heures du matin. L’hôtel est silencieux. Je suis là depuis quinze jours. Je cherchais un endroit où il ne se passe rien. J’ai trouvé. L’hôtel des Abeilles, près de Foncine-le-Bas, dans le Jura. De six heures à sept heures du matin j’enjambe une fenêtre de papier blanc, je sors et je rentre après avoir embrassé mon loup, après avoir exercé le droit élémentaire de toute personne vivant sur cette terre : disparaître sans rendre compte de sa disparition. Écrire est une variante de ce droit, un peu bavarde sans doute, mais si pratique.
EXTRAIT du texte