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À propos de United Snakes, vies et mirages de Nina Simone
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À propos de United Snakes, vies et mirages de Nina Simone

À 6 heures, le matin du 21 février 1933 à Tryon, Caroline du Nord, États-Unis, naquît Eunice Kathleen Waymon. À deux ans et demi, sans avoir jamais touché un piano, elle jouait sans erreur God Be With You Till We Meet Again. Un don de Dieu…! À quatre ans elle jouait les cantiques lorsque sa mère prêchait. À cinq ans elle était la pianiste attitrée de La Chapelle méthodiste de Tryon. À six ans elle était l’enfant prodige de toute sa communauté. Les fidèles venaient de cent kilomètres à la ronde pour entendre celle sur qui la grâce divine avait fondu. Lorsqu’elle jouait, les murs de l’église tremblaient. L’histoire se souvient de la grande artiste Nina Simone, de son engagement politique, de ses concerts mythiques et de sa personnalité tumultueuse. Mais derrière la force de ces images, l’enfant hyper doué, la jeune fille studieuse et la femme amoureuse éternellement déçue restent tapis dans l’ombre. United Snakes part à la rencontre de la complexité de l’être humain caché par la star. Deux protagonistes, une comédienne chanteuse et un musicien ingénieur du son, convoquent mots et musiques pour créer un univers électrique, sensible et paradoxal. Un voyage au pays des illusions à jamais perdues. Pas une biographie. Une performance. Pour tenter de nous faire toucher du doigt le mystère Nina Simone.

Ici commence le règne de Nina Simone.


À PROPOS DU SPECTACLE
Ce texte n’en est pas un. Ce texte est un prétexte. J’ai lu le livre de Gilles Leroy Nina Simone, roman (Mercure de France). J’ai été ébloui par la grande liberté de son regard sur la star, la façon dont il tisse fiction et événements réels ou tout du moins faisant partie de l’histoire officielle de Nina Simone. J’ai alors lu et vu tout ce que j’ai pu trouver sur Nina Simone avec le projet encore flou de tirer de mes recherches un texte qui serait un prétexte, donc, à la création d’une forme hybride, théâtrale peut-être mais hors des cadres classiques de narration et de forme.…

© Jack Robinson – Getty images

Il me fallait trouver le fil de mon projet. Nina Simone est un cas. Dire d’elle qu’elle est une artiste prodigieuse douée de talents musicaux hors du commun, une diva capricieuse et une égérie politique est déjà faire fausse route. Elle est tout autant une amoureuse passionnée et insatisfaite, une femme noire de son temps, une enfant écroulée de travail, une mère absente, une fille de famille nombreuse… la liste n’a pas de fin. Ce qui nous reste d’elle échappe à toute tentative de définition, je ne l’ai trouvée dans aucun des livres ni aucun des articles écrits sur elle, pas plus que dans les interviews qu’elle a données. Pour l’anecdote nombre d’écrivains ou journalistes l’ont rencontrée dans le but d’écrire sa vie au plus près du réel et s’y sont cassés les dents : Nina change de version d’un jour à l’autre, nie avoir jamais rencontré machin avec lequel elle pose pourtant tout sourire sur une photo officielle, mélange dates et lieux. Joyeusement elle réécrit sa vie en permanence. Devinant très intuitivement que personne n’est la somme de ce qui lui est arrivé, elle est insaisissable, elle ne joue pas le jeu, elle refuse au réel de lui dicter sa loi. Nina croit aux esprits comme on croit à l’eau chaude et met à bas nos logiques cartésiennes d’un claquement de doigts.

Comment alors approcher d’elle ? Comment donner à voir et entendre sa singularité ? Comme elle, en ne jouant pas le jeu. En refusant la simplification du récit. En laissant les fils de la narration s’emmêler d’eux-mêmes. En ne cherchant plus le sens mais la sensation. Et en acceptant cette évidence : ce qui nous reste d’elle c’est sa musique. Nina est là, toute entière dans ses chansons, toute entière dans ses notes, l’enfant qu’elle fut et la femme qu’elle était. La cohérence n’est pas affaire de musique. Ce qui nous touche au coeur lorsqu’on l’écoute fait fie de nos appartenances, elle abolit le temps. Alors, sur scène, pas de personnage, pas de narratrice, pas de représentation mais une tentative de présent. Par la musique et les mots s’approcher de ce mystère merveilleux : Nina Simone est parmi nous. Nina Simone est vivante.

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D’abord elle oublie le public.
Cherche son propre plaisir.
Et quand plus rien ne bouge, quand elle sent chaque spectateur saisi, alors elle les regarde. Le temps qui s’est écoulé depuis qu’elle est entrée, depuis qu’elle s’est assise, depuis la première note, tout ce temps a été pour l’Esprit.
Pour qu’il accepte. Qu’il vienne. Et pour qu’il la possède.
Elle sait qu’elle n’est que ça: le lien de lui à nous, la messagère. L’houngan.
Elle, pour qu’il nous envoûte et qu’il nous ensorcelle.
Elle, son corps, sa voix…
Elle, et le prix qu’elle paye.
Rien n’est jamais gratuit.Et donc pour son génie, Nina devra payer.
L’esprit est carnassier.

UNITED SNAKES, Mélanie Menu

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