Pessoa, voyages de l'insomniaque
Fernando PessoaNous vivons tous, dans ce monde, à bord d’un navire; nous devons tous avoir, les uns envers les autres, une amabilité de voyageurs.
Présentation
À la mort de Fernando Pessoa, on découvre, enfouis dans une malle, plus de 27 500 manuscrits signés par plus de soixante dix hétéronymes. À travers cette œuvre foisonnante, Teresa Rita Lopes nous livre ici une proposition inédite réunissant la parole et la pensée de plusieurs figures inventées par ce génie portugais. Pessoa, voyage de l’insomniaque a donc été pensé comme une traversée, une plongée organique dans l’univers du poète et philosophe. Sur un îlot, à mi-chemin entre un lit et un voilier, l’espace d’une nuit, un homme s’adresse à lui-même et à nous, également. Il questionne l’existence. L’insomnie est tenace et sa pensée vagabonde d’une rive à l’autre. Entre ironie et Saudade, ses mots naviguent. Sur la voile de son lit imaginaire, un film, le représentant dans sa quête, l’accompagne, vient se fondre et faire corps avec ses mots.
Informations sur le lieu
La presse en parle
L'interprétation est simple, fine, sans effets. Le spectacle constitue une belle plongée dans l'écriture du poète portugais. / Télérama
Olivier Broda est dans un jeu d’une extrême sobriété du début à la fin / Scene Web
Laetitia Lambert dirige avec précision Olivier Broda. "Pessoa, voyages de l’insomniaque" est un beau moment, interprété par un comédien impeccable./ Froggy's Delight
Distribution
Coréalisation Les Déchargeurs / Théâtre du temps pluriel en accord avec Zone Sensible
Le spectacle reçoit le soutien du Conseil général de la Nièvre, de la ville de Nevers et de la Maison de la Culture de Nevers
Multimédia
Notes & extraits
Il était une fois un homme qui avait plusieurs ombres. Ou alors c’était une ombre qui avait pris la forme de plusieurs hommes.
Dans la personne de ses « autres », Pessoa écrivait, pour ainsi dire, plusieurs journaux intimes à la fois.
Âme errante, voyageur de lui même, selon ses propres termes, sa vie, qui fut son oeuvre –comme il le dit également – se passa en voyages, de texte en texte, et de personne en personne.
S’exprimer, au jour le jour, et selon la diversité de ces personnes par lesquelles il se sentait, plus que distribué, multiplié, c’était finalement s’abandonner à un tropisme apparemment, désagrégeant mais qui le conduisait malgré tout à l’unité de l’Etre ».
Teresa Rita Lopes
Extraits de : « Fernando Pessoa et Le drame symboliste » et « Le théâtre de l’être »
(Editions de la différence)
Lorsque Teresa Demarcy-Motta m’a invitée à lire cet Ailleurs en soi ou voyages de l’insomniaque, j’y ai vu de multiples « occasions rêvées ». En effet, ce montage inédit, fulgurant et bouleversant de textes de Fernando Pessoa réalisé par son amie Teresa Rita Lopes, était l’occasion rêvée de m’attaquer (fallait-il être un peu folle ?) à une oeuvre qui à mon sens en plus d’être vertigineuse, foisonnante et complexe, s’adresse directement et universellement à l’âme humaine.
C’était aussi celle d’offrir à Olivier Broda, comédien habitué à la composition, une toute autre partition, proche de sa sensibilité. Véritable mise à nue que j’aime à appeler son monologue d’Hamlet … de plus d’une heure!
C’était enfin celle de travailler à la croisée des chemins, entre théâtre et cinéma et d’interroger la question des espaces et des zones, entre rêve et réel, passé et présent, fiction et souvenir. Partant de ce que Pessoa nomme ses fictions de l’interlude et m’inspirant de grands cinéastes tels que Bergman ou Tarkovski qui ont beaucoup travaillé sur la porosité de ces notions. Accompagnée par la pensée de Mallarmé pour qui le théâtre ne serait qu’un rêve, déclenché par un autre rêve, celui du poète, le vrai metteur en scène.
Et bien évidemment guidée par la conception du théâtre de Pessoa lui même : Il y a deux façons de dire : parler et se taire. Les arts autres que la littérature sont la projection d’un silence expressif. Il faut chercher dans tout art qui n’est pas littérature la phrase silencieuse qu’elle contient ou le poème.
Prenant au pied de la lettre la question de la projection, il s’agissait pour moi de chercher à trouver les miennes, librement, intuitivement, sensiblement, celles déclenchées par les mots du poète, qui viendraient se fondre (au sens cinématographique du terme) au corps du comédien, présent devant nos yeux dans le réel, passeur de mots.
Laetitia Lambert
Je me suis multiplié pour me sentir exister,
Pour me sentir exister, j’ai eu besoin de tout sentir,
J’ai débordé, je n’ai fait que m’extravaser,
Je me suis déshabillé, je me suis offert,
Et il est en chaque coin de mon âme un autel à un Dieu différent.
Voyageur de moi même
Je regarde les rythmes dans le vent,
Mon âme elle aussi vagabonde.
N’est qu’une chanson de voyage.
Plus je sentirai, plus je sentirai comme diverses personnes,
Plus de personnalités j’aurai,
Plus intenses, stridentes je les aurai,
Plus simultanément je sentirai avec toutes à la fois,
Plus j’existerai, je sentirai, je vivrai, je serai
Divers en un seul, concentré en plusieurs,
Plus je possèderai alors l’existence totale de l’univers,
Plus complet je serai par l’espace tout entier,
Plus analogue je serai à Dieu quel qu’il soit,
Car, quel qu’il soit, il est certainement Tout,
Et hors de lui il n’y a que Lui, et Tout pour lui et peu.
(…)