
L'Avalée des avalés
Réjean DucharmePrésentation
Elle s’appelle Bérénice Einberg, elle a une famille : un père juif, une mère catholique et un frère qu’elle aime d’amour. Ils vivent sur une île en banlieue de Montréal. La fratrie est mise dès son plus jeune âge au coeur du conflit conjugal des parents. Au milieu des tiraillements parentaux, Bérénice porte un amour inconditionnel à Christian, son frère, avec qui elle partage son imaginaire. Ainsi, ils s’évadent d’un quotidien pesant dans lequel les parents les instrumentalisent, les séparent. Toujours, elle revient à ses rêves.
La représentation du mardi 13 novembre sera suivie d'un échange avec l'équipe artistique du spectacle.
Informations sur le lieu
La presse en parle
Ducharme est un immense écrivain et le spectacle est à la hauteur. / France Inter
La prose puissante de l'écrivain québécois Réjean Ducharme. Un très beau texte porté par de formidables comédiens. / Le Figaro
Un beau et étonnant voyage. / L’Humanité
Adaptation très réussie. Ecriture unique, inventive et poétique. / La Provence
Superbement dirigés. / Télérama
Une prose inventive et portée à merveille. / Version Fémina
Distribution
Coréalisation La Reine blanche / Les Déchargeurs, en accord avec le Théâtre du Nouveau Monde à Montréal
UNE CRÉATION DU THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE (MONTRÉAL)
Le spectacle est soutenu par :
Conseil des Arts du Canada
Centre Culturel Canadien
Multimédia
Notes & extraits
A PROPOS DU TEXTE
La petite Bérénice Einberg, que tout avale, demeure l’héroïne phare de l’oeuvre de Réjean Ducharme. Et L’Avalée des avalés, son premier roman publié, demeure le roman culte de l’auteur. L’Avalée des avalés s’ouvre sur ces mots crus, douloureux, vibrants, ces paroles d’écorchée vive qui immédiatement nous happent. Tout m’avale, scande la narratrice, et nous voilà, nous aussi, immédiatement avalés, pris à la gorge par la douleur vive de cette héroïne qui s’agrippe de toutes ses griffes à l’enfance, alors même que son corps est en train de la trahir. Écrit dans un style inimitable, dans une langue truculente, inventive et ludique, L’Avalée des avalés a marqué le coup d’envoi de l’une des oeuvres les plus fortes et les plus célébrées de la littérature québécoise, celle d’un écrivain qui a toujours farouchement préservé son intimité et dont, encore aujourd’hui, on ne sait presque rien.
Marie Claude Fortin, Leméac Éditeur
LE MOT DE LORRAINE PINTAL
On naît tous philosophes. Quelques-uns le demeurent ! Michel Onfray
On pourrait affirmer que les personnages de Réjean Ducharme, qui peinent à sortir de l’enfance, font partie de ceux qui demeurent philosophes. Réjean Ducharme, poète, romancier, parolier, créateur de toiles et de sculptures iconoclastes, a toujours créé des mondes insolites où l’enfant-adulte, celui qu’il nomme son enfantôme, trouve un refuge en lui-même par crainte d’être dépossédé par les autres.
Je n’ai jamais rencontré Réjean Ducharme. Peu de gens ont eu la chance d’échanger avec lui sur la nature insolite de son œuvre et sur la position unique qu’elle occupe dans le paysage littéraire québécois et international. Enfermé dans un mutisme médiatique jusqu’à son décès en 2017 et ce, depuis la parution de son roman L’Avalée des avalés, il nous livre sans concession des images puissantes, une langue au souffle ravageur et des personnages démesurés dont la soif d’absolu accentue l’authenticité de son génie.
C’est par la serrure du ventre de la mère de Bérénice Einberg, personnage central de L’Avalée des avalés, que je me suis infiltrée dans son monde romanesque. Il me fallait avaler littéralement la poésie de Réjean Ducharme par le ventre et ainsi aborder l’œuvre de l’intérieur pour mettre en scène la chute vertigineuse de Bérénice, son frère Christian et Chamomor leur mère, sur cette île devenue refuge qui se découvre à nous comme un livre ouvert. Tout dans L’Avalée des avalés est théâtral : les sonorités de la langue québécoise, ses couleurs inédites, ses idiomes, ses métaphores. C’est une langue qui cogne, qui bégaie, qui secoue et qui frappe le mur de la logique et nous atteint comme de véritables chocs électriques. Sans parler de facilité car ce roman recèle son lot de vertiges quand on songe à le transposer pour le théâtre, il n’en demeure pas moins que le fil narratif déroulé par Bérénice Einberg est un guide aussi éclairant que celui d’Arianne qui erre dans le labyrinthe à la recherche du Minotaure.
Le pari de l’adaptation scénique visait donc à restituer la substance de l’œuvre romanesque et la réalité d’une époque toujours aussi actuelle dans une dimension tragico-épique.
Dans une petite forme, j’ai donc prêté mon regard à ce récit foisonnant qui tient davantage du conte philosophique que d’un texte de théâtre traditionnel. La langue poétique de Réjean Ducharme est si dévastatrice qu’il fallait la laisser s’imposer d’elle-même en y intégrant les envolées poétiques des chansons de l'auteur admirablement mises en musique par l’un de nos plus grands chanteurs québécois, Robert Charlebois.
Le rythme du récit a pris la forme de tableaux qui se succèdent les uns les autres, petits cadres magiques dans lesquels évolue Bérénice. Il me fallait me faire guider par l’âme de cette histoire : Bérénice, ce petit être sauvage et farouche, qui nous transporte et nous bouleverse par le regard singulier qu’elle jette sur le monde qui l’habite. Sa vie est-elle réelle ou fait-elle partie d’un rêve éveillé qui aurait pour aire de jeu une boîte où les images de l’enfance font écho aux phantasmes d’amour, de vie et de mort ? C’est à ce moment précis qu’est entré en scène le concepteur visuel Charles Binamé avec sa boîte gigogne qui trône dans l’espace comme un vaisseau ivre conduit par un équipage dont les mots sont de véritables raz-de-marée.
Naturellement, une adaptation scénique emprunte des chemins de traverse, crée des raccourcis, éclaire un angle plus obscur, dessine les contours des personnages qui agissent comme de véritables bouées d’accrochage. J’ai donc procédé à des recoupements, des collages, des ellipses, inventé des dialogues, imaginé des correspondances afin de renforcer le lien émotif qui réunit les protagonistes autour du manifeste de Bérénice. Le trio de comédiens qui est venu se greffer au processus créatif m’a entraînée dans une expérience théâtrale enivrante qui nous a prouvés à quel point la force dramaturgique de Réjean Ducharme est toujours intacte et fait de lui un des auteurs les plus marquants du Québec.
Les enfants de l'auteur ne veulent pas grandir mais leur regard sur notre monde lui donne une dimension qui remplit le vide existentiel de nos rêves à la dérive. Ils sont et demeureront toujours des philosophes.