Sade 2.0

Des monstres et des saints

Présentation

Sade 2.0 de Sade
Date(s) : du 24 Jan 2012 au 8 mar 2012
Mardi
Mercredi
Jeudi
à 20h00
Durée : 1h00

Une adaptation de Sade pour rire des monstres sacrés et démonter férocement le puzzle de l’histoire.

Jean Moulin, Pétain, Sœur Emmanuelle, Jean-Paul Sartre ou la Cicciolina, tour à tour victimes et bourreaux d’une grande orgie décomplexée. Sade 2.0, c’est Sade revisité et mélangé sans vergogne aux cendres du XXème siècle : un tour de passe-passe pour en découdre avec la grande Histoire. Et peut-être en finir avec ces statues de marbre qui pèsent lourdement sur nos mémoires et nous empêchent d’avancer, libres du passé.

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Informations sur le lieu

Salle La Bohème
Les Déchargeurs
3, rue des Déchargeurs
RDC Fond Cour
75001 Paris, IdF

Distribution

Texte
Mise en scène
Comédien(s)
Crédit Photo Visuel

Coréalisation Les Déchargeurs / cie l’Héautontimorouménos

Multimédia

 
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Notes & extraits

LE MOT DE L’ADAPTATEUR

Sade 2.0 est une adaptation libre des dernières pages des 120 Journées de Sodome, du Marquis de Sade. Ces pages-là sont les plus terribles, puisqu’elles se résument à de longues listes de cruautés énoncées de manière systématique, sans préoccupation narrative. Une sorte de plan, sans doute, la promesse d’une narration à venir, mais que Sade n’a jamais écrite. Tout comme le XXe siècle fut la promesse d’une grande histoire, pour s’abîmer finalement dans l’horreur érigée en système. Si je me suis permis des digressions autour du texte de Sade, et si j’ai changé le nom des protagonistes pour coller à mon projet, je n’ai en revanche absolument rien touché à l’essentiel du texte : la cruauté. Cette dernière appartient entièrement à Sade, jusqu’aux répétitions, approximations et, parfois, contresens. Ecrites dans la solitude d’une cellule de la Bastille, Les 120 journées de Sodome possèdent cette langue brute, quasi improvisée, qui sied parfaitement à Sade 2.0…

Jean-François Mariotti

Sade 2.0 est une revisite du XXe siècle à travers les pages les plus terribles du Marquis de Sade. Le projet est simple : aux protagonistes – bourreaux et victimes – des 120 Journées de Sodome, on substitue les grands noms qui ont fait l’histoire moderne. Alors, on sera tenté de se demander… Pourquoi ? Par pure provocation ? La question est naïve, et après tout, nous ne sommes pas les premiers à avoir souligné l’incroyable modernité de Sade, qui annonce sans le savoir les grands systèmes de domination de l’homme. On pense à Pasolini, bien sûr, et le jeu de miroir entre Sade et les fascismes est assez évident. Mais Sade 2.0, c’est surtout une manière cathartique d’en finir avec notre propre passé, nous autres qui sommes nés à la fin du XXe siècle, sans doute le plus meurtrier de toute l’histoire humaine. Un jeu d’esprit facétieux et cruel, afin de confronter les idoles qui surnagent encore dans notre conscience collective, qu’elles s’appellent De Gaulle, Claudel ou Sartre, au vaste dégueulasse organisé des tranchées de 14-18, des camps de la mort, des collaborations avec le nazisme, des exécutions massives de Staline et des silences assourdissants du siège de Sarajevo. Replonger dans la boue, cette boue dans laquelle nous sommes tous nés, peut-être pour nous purifier et enfin avancer, inventer notre propre histoire, vierges du passé.

Jean-François Mariotti

C’est cela, l’Histoire. Avec un H majuscule. Du XXe siècle. Des monstres, des saints, des VIP de manuels scolaires, des têtes de gondole qui surnagent dans une vaste mêlée, une gigantesque orgie, un désastre renouvelé pendant cent ans, cent longues années, où tout le reste, tout le reste ! se dissout dans les chiffres. Les 10 millions de morts de la Grande Guerre, les 50 millions de morts de la suivante, les 15 millions de victimes de Staline, ce sont des chiffres. On a beau ressasser, prendre le problème par tous les bouts, il y a les monstres, il y a les saints, les statues de marbre alignées sur la place publique, et puis il y a les chiffres, les figurants sacrifiés de l’histoire, les chiffres. Comme décor à l’échelle du monde il y a les couleurs d’un bordel à l’ancienne, et en filigrane il y a le souvenir du marquis de Sade enfermé dans sa cellule de la Bastille, tout seul avec ses démons, à griffonner ses petites histoires pornos sur ses petits bouts de papier bien cachés de ses geôliers, et qui contemple l’avenir du monde dans la semence qui macule la paume de sa main.
(NB. Extrait de texte sans aucune citation de Sade, afin de circonscrire la violence du propos aux seules limites du théâtre.)