Le département de l’Eure fait figure de précurseur en annonçant le retour aux 90 km/h sur ses routes départementales dès 2026. Cette décision, prise par le conseil départemental, soulève des débats sur l’efficacité des mesures de sécurité routière et leurs impacts sur la vie quotidienne des automobilistes.
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ToggleL’Eure, fer de lance du retour à la vitesse de 90 km/h
En février 2025, le conseil départemental de l’Eure a adopté une mesure audacieuse : le rétablissement de la limitation à 90 km/h sur l’ensemble de son réseau routier départemental. Cette initiative, portée par Alexandre Rassaërt, président du conseil, vise à modifier la vitesse autorisée sur les 4 200 kilomètres de routes concernées.
Thierry Plouvier, vice-président en charge des mobilités, justifie ce choix : « Le choc psychologique espéré suite à la réduction de vitesse n’a pas eu lieu. Après six ans, le constat est clair : la mortalité et les blessures sur nos routes n’ont pas diminué depuis la loi de 2018. » Cette décision s’inscrit dans une réflexion plus large sur les nouvelles limitations de vitesse et leur impact sur la conduite.
Un plan de sécurité routière repensé
Le département ne se contente pas de relever la vitesse maximale. Il prévoit également d’étendre les zones limitées à 70 km/h sur les tronçons jugés dangereux. « Nous allons instaurer un système 50-70-90 km/h plus compréhensible pour les conducteurs », explique Plouvier. Cette approche vise à adapter la vitesse aux spécificités de chaque portion de route.
En parallèle, un ambitieux programme de travaux de sécurisation est planifié. L’axe Lisieux-Évreux, par exemple, fera l’objet d’aménagements pour réduire les risques liés à ses nombreuses intersections. Ces mesures s’inscrivent dans une stratégie globale visant à améliorer la sécurité sans pénaliser la fluidité du trafic.
Des avis partagés sur l’efficacité de la mesure
La décision de l’Eure ne fait pas l’unanimité. Pauline Jouvenaux, directrice de l’association de prévention routière en Normandie, exprime son inquiétude : « La vitesse reste une cause majeure de mortalité sur les routes. Pourquoi prendre le risque d’aggraver une situation déjà préoccupante ? » Cette opposition souligne les divergences d’opinions sur les meilleures pratiques en matière de sécurité routière.
Le groupe d’opposition au conseil départemental critique également cette initiative, la qualifiant de « posture populiste » visant à satisfaire un électorat rural. Arnaud Levitre (PCF) déplore l’absence de concertation préalable et remet en question la fiabilité des indicateurs utilisés pour justifier ce changement.
L’Eure dans le sillage d’autres départements pionniers
Si la préfecture donne son accord, l’Eure rejoindra un groupe restreint de départements ayant choisi de revenir intégralement aux 90 km/h. Actuellement, sept collectivités, dont le Puy-de-Dôme et l’Aveyron, ont déjà franchi ce pas. Cette tendance illustre une volonté de certains territoires de s’adapter aux réalités locales en matière de circulation routière.
En revanche, tous les départements ne suivent pas cette voie. Le Loiret, par exemple, limite le retour aux 90 km/h à seulement 15% de son réseau, jugeant imprudent d’augmenter la vitesse sur les routes étroites. Ces différences d’approches montrent la complexité du débat sur la sécurité routière et l’importance d’une réflexion approfondie sur les changements majeurs du permis de conduire et la réglementation routière.
Vers un nouveau paradigme de la sécurité routière
L’initiative de l’Eure s’inscrit dans un contexte national en pleine évolution. Depuis l’assouplissement de la loi en 2019, près de 55 000 kilomètres de routes secondaires sont repassés à 90 km/h dans 52 départements français. Cette tendance reflète une volonté de trouver un équilibre entre sécurité et fluidité du trafic, tout en prenant en compte les spécificités locales.
Le débat sur la vitesse optimale sur les routes secondaires reste ouvert. Si certains voient dans le retour aux 90 km/h une réponse aux besoins des automobilistes ruraux, d’autres craignent un recul en matière de sécurité. L’expérience de l’Eure sera scrutée de près par les autres départements, pouvant potentiellement influencer les futures politiques de sécurité routière à l’échelle nationale.