À Dijon, un phénomène inhabituel attire l’attention des clients du Carrefour City du centre-ville. Pascal, gérant de deux enseignes dans la ville, a pris une décision radicale face aux vols répétés : afficher la photo d’un voleur récidiviste à l’entrée de ses magasins. Cette mesure, bien qu’illégale en France, témoigne de l’exaspération croissante des commerçants confrontés à l’impunité des auteurs de larcins.
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ToggleLa justice impuissante face aux voleurs de supermarchés
Pour Pascal, la patience a des limites. Après des années de vols systématiques commis par le même individu, le commerçant dijonnais a franchi la ligne rouge. « Il vole de l’alcool, des bouteilles de vin, ça dure depuis deux ou trois ans », explique-t-il, visiblement à bout. Ce suspect trentenaire, décrit comme « connu comme le loup blanc » dans le secteur, opère avec une discrétion qui lui permet d’échapper au flagrant délit.
Le préjudice s’élève déjà à plus de 1000 euros pour les seuls commerces de Pascal. L’homme apparaît régulièrement sur la boucle WhatsApp des gérants Carrefour City de la région, signe que ses méfaits ne se limitent pas à un seul magasin. Malgré les multiples plaintes déposées et les preuves vidéo accumulées, la machine judiciaire semble tourner au ralenti.
Cette situation reflète une tendance nationale préoccupante : les vols à l’étalage connaissent une forte augmentation ces dernières années. Au-delà de l’impact financier direct, c’est le sentiment d’impuissance qui mine le moral des commerçants. « On a les photos, on a les vidéos, maintenant, on attend juste que la justice fasse son travail », soupire Pascal, dont les employées avouent même « avoir peur » lorsqu’elles aperçoivent le suspect dans le magasin.
L’affichage public des voleurs, une pratique risquée mais répandue
Face à cette impasse, Pascal a opté pour une solution radicale : afficher le visage du voleur accompagné de la mention « Voleur interdit de magasin » à l’entrée de ses deux points de vente. Une méthode directe qui vise avant tout à dissuader le récidiviste de revenir. Le commerçant précise qu’il réserve cette mesure aux cas les plus problématiques : « Je ne vais pas mettre la photo de tous ceux qui nous volent des petites conneries, mais là, on sent qu’il y a un trafic derrière ».
Cette pratique, courante et considérée comme efficace aux États-Unis ou au Royaume-Uni, reste sévèrement encadrée en France. Elle se heurte notamment au principe fondamental de présomption d’innocence. Légalement, le simple fait d’utiliser le terme « voleur » peut constituer une diffamation publique passible de 12 000 euros d’amende. La sanction peut même atteindre 45 000 euros et un an d’emprisonnement si le visage d’un suspect est exposé publiquement.
Pourtant, de plus en plus de commerçants français choisissent de prendre ce risque juridique, signe d’un désespoir grandissant face à des infractions quotidiennes laissées sans réponse. Si ce mouvement reste minoritaire, il traduit une frustration qui pourrait conduire à des réactions plus radicales si la situation perdure.
Vers une évolution législative pour les commerçants?
La démarche de Pascal et d’autres commerçants n’est pas passée inaperçue auprès des législateurs. L’an dernier, une proposition de loi visant à légaliser l’affichage des photos de voleurs avérés dans les commerces a été déposée. Cette initiative cherche à offrir un moyen de défense supplémentaire aux commerçants tout en encadrant strictement la pratique pour éviter les dérives.
La proposition reste pourtant à l’étude, victime elle aussi d’une certaine lenteur administrative. Cette situation paradoxale illustre le décalage entre l’urgence ressentie sur le terrain et le temps long de l’évolution législative. En attendant, Pascal continue d’exposer son voleur récidiviste, préférant risquer une sanction plutôt que de subir passivement des préjudices répétés.
Si ce type d’affichage constitue aujourd’hui une réponse illégale, il pourrait préfigurer des évolutions nécessaires dans la protection des commerces de proximité. La question reste posée : faut-il adapter la législation à cette réalité commerciale ou renforcer les moyens de la justice pour traiter plus efficacement ces infractions jugées mineures mais profondément déstabilisantes pour les petits commerces?