C’est un fait et il se fiche bien de connaître son degré d’essentialité. Il est. Tant que l’humain est, tant qu’il transmet, qu’il conte, qu’il pense, le théâtre reste. Il est autant que l’humain est humain, que le ciel est ciel et qu’une poire est une poire. C’est porté par cette confiance solide pour cet art, que je prends, malgré ces temps pernicieux, la direction du théâtre Les Déchargeurs.
Je suis fier d’être le nouveau porteur de ce lieu d’histoire(s) qu’est Les Déchargeurs. Un lieu construit par un poète, Vicky Messica, pour des poètes. Un lieu où les mots comptent, où les auteurs ne sont pas relégués à une simple ligne sur une affiche et où la création est de mise. J’ambitionne de faire évoluer le lieu en l’encrant toujours plus dans notre présent artistique, mais sans en trahir l’historique. Il me semblait donc essentiel que l’équipe du théâtre reste en place.
Nous ne pouvons plus accueillir mais nous pouvons encore penser. Et si la Covid-19 nous fait vivre des temps difficiles, elle est aussi libératrice d’un temps précieux que nous ne devons pas gâcher.
Repenser le lieu, ses espaces. Nous avons déjà entamé cela, en nettoyant et en réaménageant les larges caves qui parcourent le théâtre. Nous proposons dès maintenant à la location une nouvelle salle de répétition baptisée Le Ventre, un atelier costume et des espaces de stockages.
Dans le futur, nous aurons à coeur d’offrir à nos publics et nos artistes un hall plus accueillant et spacieux, avec un bar où échanger, se rencontrer et débattre après les représentations, mais qui pourra aussi devenir un espace de travail en journée.
Repenser l’accueil des artistes. En ces temps noirs pour la création et d’autant plus pour la jeunesse créatrice, nous mettons un point d’honneur à ajuster et clarifier nos conditions d’accueil des compagnies afin qu’elles soient le plus juste possible. Nous souhaitons amener de la transparence, en mettant à disposition sur nos réseaux et notre site toutes (et je dis bien TOUTES) nos conditions d’accueil. Il n’y aura pas de minimum garanti et nous mettrons en place un partage de recette. Chaque compagnie devra s’engager sur un plan média participatif et abordable dont le détail sera précisé prochainement.
Repenser les échanges. Le théâtre est avant tout transmission et partage. Pour notre programmation, nous ne voulons pas faire le choix entre les artistes naissants et ceux ayant déjà une plus grande expérience. Nous les accueillerons de manière homogène afin que ces deux générations d’artistes s’entrecroisent. De nombreux événements autour de questions soulevées dans nos pièces seront organisés : conférences, expositions, bords plateaux, ateliers… Tout cela dans le but de favoriser les discussions et les débats autour de thématiques actuelles et de créer un espace de rencontre entre les artistes et les publics. Pour finir, un rendez-vous hebdomadaire pour le jeune public sera mis en place, proposant des spectacles et des ateliers.
Revenir à l’essence du théâtre. Un instant éphémère de poésie. Une réunion d’individus autour des mots. Des questions qui resteront souvent sans réponse, mais auront eu le mérite, le temps d’une soirée, d’avoir été ouvertes par les poètes d’aujourd’hui et de demain.
Alors oui, nous serons ballotés par les vagues aux courbes fluctuantes, trimballés par les couvrefeux, assommés par les confinements, mais lorsque nous le pourrons, nous serons là. Car le théâtre, lui, ne se pose pas la question. Il sera là.
Adrien Grassard